Le porno, c’est un peu comme les nuggets sauce barbecue : tout le monde sait que c’est mauvais et que le porno a autant à voir avec le vrai sexe que les nuggets avec un vrai poulet, et pourtant, tout le monde consomme. WTF ?
D’après une étude (1), 92% des hommes et 73% des femmes de 18 à 69 ans avaient vu du porno au moins une fois dans leur vie en 2012… soit plus ou moins la préhistoire des smarphones. Depuis, les choses ont évolué, particulièrement pour les plus jeunes des Français : une enquête (2) révèle que 2/3 des 18-30 ans ont visionné du porno avant 15 ans, et 11% avant 11 ans.
Alors OK, le fait qu’en 2021, la plupart des Français aient un - et souvent plusieurs - écrans à usage privé bien avant la puberté facilite l’accès au porno, d’autant plus que les plateformes de contenus se sont multipliées depuis 10 ans, et leur accès, souvent gratuit, s’est beaucoup simplifié. Mais l’accessibilité du porno n’explique pas tout. En effet, ce n’est pas parce que quelque chose est facile à faire qu’on le fait : courir est à la portée de n’importe qui équipé d’une paire de baskets et de deux jambes, ce n’est pas pour autant que tout le monde est addict au running.
Ensuite, ce n’est pas parce qu’on fait quelque chose facilement qu’on aime le faire.. Et c’est là que ça devient paradoxal. 97% des jeunes hommes de 18-30 ont déjà consulté un site porno, et les 3/4 d’entre eux (74%) en visitent régulièrement. Pourtant, 61% estiment que la consommation de porno présente des risque, et sont favorables à des actions de prévention auprès des plus jeunes. De plus, même si les consommateurs réguliers affirment savoir faire la différence entre le porno et la « vraie vie », une jeune femme sur deux et un jeune homme sur trois complexe après avoir regardé une vidéo d’après cette étude (3).
Comment expliquer le succès planétaire d’un porno mainstream médiocre, dangereux et qui n’apporte qu’un plaisir coupable ? Les millenials ne sont pas plus fous, masochistes ou débiles que leurs aînés : s’ils sont aussi nombreux à mater du porno, c’est qu’il y a une raison. Et même trois.
Les millenials ne sont pas plus fous, masochistes ou débiles que leurs aînés
D’abord, le porno est à peu près le seul moyen d’ « information » disponible sur le sexe, notamment pour les personnes LGBTQIA+. Théoriquement obligatoires depuis 2001, les cours d’éducation sexuelle à l’école sont rarement dispensés, et toujours hétérocentrés lorsqu’ils le sont. Et de toute façon, hétéros ou pas, rares sont les jeunes qui peuvent parler ouvertement de sexe avec des adultes informés et bienveillants.
Ensuite, le porno est un rite d’initiation, une sorte de passage à l’âge adulte. Les garçons s’y mettent parce que l’intérêt pour le sexe est étroitement lié à la construction de la virilité (en gros, si à 15 ans tu n’es pas obsédé par le cul, c’est que tu as râté ta vie), et les filles pour trouver des tutos et plaire aux garçons.
Le porno est un rite d’initiation, une sorte de passage à l’âge adulte
Enfin, le porno est un peu l’équivalent pour homme du conte de fées où tout est bien qui finit bien. Les mecs n’ont aucun effort à faire pour obtenir ce qu’ils veulent, y compris les trucs les plus trash, les meufs sont toujours contentes, même s’il n’y a jamais aucune réciprocité dans les échanges : la vie porno est beaucoup plus simple que la vraie vie - du moins pour les mecs. C’est reposant. Et rassurant pour les femmes, quelque part : pour être « bonne », pas besoin d’avoir le physique ni la notoriété de Kylie Jenner, il suffit de faire plaisir à son partenaire sans trop réclamer ni se plaindre.
Si diaboliser le porno suffisait à limiter sa consommation, ça se saurait… Mais on peut décider qu’on vaut mieux que ces vidéos plus moches, plus prévisibles et moins élaborées qu’un épisode de Pat’Patrouille, et s’exciter enfin comme on le mérite.
(1) CAIRN.INFO - Autonomie sexuelle des jeunes et panique morale des adultes
(2) 20MINUTES.FR - EXCLUSIF. Un tiers des 18-30 ans a déjà été exposé à du porno à l'âge de 12 ans
(3) NEONMAG.FR - 44 % des femmes entre 18 et 34 ans affirment que les actrices porno les font complexer
